Répliques singulières : le Centre Pompidou-Metz redonne ses lettres de noblesse à la copie
Du 14 juin 2025 au 2 février 2026, le Centre Pompidou-Metz convie le visiteur à une traversée fascinante du geste de copie, à l’intersection de l’histoire de l’art et des pratiques contemporaines. Intitulée Copistes, cette exposition ambitieuse, fruit d’une collaboration exceptionnelle avec le musée du Louvre, réunit une centaine d’artistes internationaux invités à revisiter une œuvre de leur choix issue des collections du Louvre.
Derrière cette proposition curatoriale, deux figures du monde de l’art : Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz, et Donatien Grau, conseiller pour les programmes contemporains du musée du Louvre. Leur invitation est simple mais radicale : copier, mais autrement.
Repenser la copie : un héritage en tension
Depuis la Renaissance jusqu’à l’époque moderne, copier les maîtres était au fondement de l’apprentissage artistique. Le Louvre, ultime bastion de cette tradition, conserve encore aujourd’hui un bureau des copistes, survivance rare d’un monde où l’imitation n’était pas soupçonnée de stérilité, mais considérée comme un passage obligé vers la maîtrise.
© Jean-Gilles Berizzi / RMN-GP
Copistes interroge cet héritage avec sensibilité, dans un contexte où l’acte de reproduire a été longtemps discrédité par l’abstraction moderniste, avant de retrouver une nouvelle vitalité dans le regard des artistes contemporains. À l’heure où la figuration regagne du terrain, où les technologies numériques redéfinissent le statut de l’image et où les frontières entre original et reproduction deviennent poreuses, la copie ne relève plus de la redite, mais de la réinvention.
Figures contemporaines du double
L’exposition privilégie la recréation à la simple reconstitution. Inspirée par Carlo Scarpa, la scénographie abolit les frontières temporelles, faisant dialoguer librement des œuvres de l’Antiquité au XIXe siècle dans un paysage d’échos multiples : Henni Alftan rejoue un détail du peintre Van Hoogstraten ; Jeff Koons, dans la continuité de ses Gazing Balls, déplace l’hermaphrodite endormi dans un jeu de miroirs colorés ; Christine Safa, quant à elle, enracine son hommage dans la matière gravée de la toile.
Photo 1 : Courtesy de l’artiste, de la galerie Art : Concept, Paris et Nathalie Karg gallery, New York © Adapg, Paris, 2025 Photo : © Romain Darnaud
Photo 2 : Henni Alftan, Samuel’s Slippers (after Van Hoogstraten), 2025
Photo 3 : Jean-Philippe Delhomme, After Goya, Portrait de la comtesse del Carpio, marquise de la Solana, 2025
Au-delà de la peinture, le projet embrasse d’autres médiums : Thomas Hirschhorn mobilise l’objet et le collage dans une installation foisonnante ; Anri Sala manipule la fresque comme un fragment archéologique ; Claire Tabouret étire le récit amoureux sur trois panneaux de tissu peints.
Le spectre est large, et la copie, polymorphe. Elle devient performance, enquête, méditation, voire critique. Loin de tout exercice scolaire, ces œuvres assument le paradoxe d’un art du dédoublement qui, en épousant l’empreinte de l’autre, révèle une singularité propre.
Entre mémoire et métamorphose
Ce projet collectif, à la fois savant et intuitif, pose une question : que peut encore la copie à l’ère des images infiniment duplicables ? En associant des artistes comme Nina Childress, Agnès Thurnauer, Danh Vō, Julie Mehretu ou Yohji Yamamoto, Copistes explore les marges d’un dialogue entre mémoire culturelle et relecture subjective. Chaque geste de copie devient une manière de s’approprier un récit, de rejouer le passé pour mieux réfléchir au présent.
Le catalogue de l’exposition, conçu par M/M (Paris), prolonge cette réflexion en réunissant les témoignages des artistes, un essai des commissaires et une contribution de l’historien de l’art Jean-Pierre Cuzin.